Le plateau de la Treiche et le Trou des Celtes
- Christian CHAMBOSSE (Groupe lorrain d'études d'archéologie préhistorique ; article paru dans L'Est illustré du 4 mars 1934 page 27) -

Sur le territoire de Pierre-la-Treiche, à l'est du village, sur le plateau de la Treiche, il existe une station néolithique signalée pour la première fois par Husson(1). La plupart des instruments furent trouvés au lieu-dit "Aux Haches", entre la route de Pierre à Sexey et la lisière de Bois-l'Evêque. Il serait inexact de nommer ce lieu atelier de taille, car le silex n'y était pas taillé ; mais il était préparé d'avance(2) et exporté de régions assez éloignées. Seule, la retouche a pu y être pratiquée. De là, l'absence à peu près complète de nucléi et la fréquence de très petits éclats. Par contre, les quartzites étaient taillés sur place, dans des galets vosgiens, nombreux sur la partie nord du plateau dont le sol est composé d'alluvion siliceux(3) de la glaciation rissienne (basse terrasse tyrrhénienne de 30-35 m.) Ces dépôts diminuent de puissance et finissent par disparaître un peu au delà du chemin de terre qui traverse le plateau et rejoint la route.
Les plus belles pièces, consistant en pointes de flèches, couteaux, percuteurs (rares) et éclats de silex divers, ont été recueillies par Husson et par Guérin. Pour ma part, j'ai observé une certaine abondance de petits éclats de silex. Mais il convient de faire remarquer à quel point les objets intéressants sont devenus rares, car bien des personnes les ont recherchés et, depuis des siècles, la charrue les tourne en brisant les plus délicats.
Le Trou-des-Celtes s'ouvre dans la partie supérieure du versant nord du plateau de la Treiche. Il se présente sous l'aspect d'une fissure horizontale, sinueuse, et d'une largeur assez régulière d'environ 1 m. 50 à 2 m. Sa hauteur varie entre 1 m. 80 et 1 mètre, avec des points très bas. Le plafond, peu solide, est très fissuré, et il s'en est détaché des blocs quelquefois très volumineux qui encombrent la galerie. Encore maintenant, il est peu prudent de s'y aventurer à certaines époques d'une année particulièrement pluvieuse. En effet, l'intérieur de cette fissure n'est séparé de la surface du plateau que par une couche de calcaire perméable très peu épaisse, 3 à 4 mètres environ ; aussi les infiltrations sont-elles nombreuses et compromettent la solidité du plafond.
Il existait autrefois de belles et grandes stalagmites, mais chaque visiteur tenait à emporter un souvenir de sa ténébreuse excursion ; aussi n'en reste-t-il plus que les traces ! Sous les blocs et dans l'espèce d'argile marneuse qui forme le sol de cette fissure ou grotte, se trouvaient, en un singulier mélange, des ossements humains et de la poterie. Le nombre des squelettes qui gisaient là semble être considérable : de vingt-cinq à trente individus. On observe des sujets de tous les âges et des deux sexes.
Aucun crâne entier n'a pu être découvert. Seule, une mâchoire inférieure était intacte(4). Ses douze centimètres d'écartement semblent indiquer qu'elle appartenait à un crâne brachycéphale. Godron avait observé un humérus à perforation olécrânienne. J'en possède un qui ne présente pas cette particularité anatomique.
Les dents sont, en général, splendides ; usées souvent jusqu'à la pulpe, elle n'offre pas de traces de carie. Cette usure semble résulter d'une alimentation essentiellement composée de racines et d'aliments très résistants. Quant à l'absence de carie, c'est un caractère des races préhistoriques qui étaient beaucoup plus saines que les races actuelles, bien que l'on ait relevé des lésions pathologiques sur certains squelettes préhistoriques découverts en Égypte.
À part ces quelques observations anatomiques, il est impossible de se livrer à aucune mensuration anthropologique en raison de l'état de détérioration des ossements. De l'étude des pièces osseuses, on ne peut donc tirer qu'un nombre restreint de renseignements sur la date archéologiques de l'ensevelissement des cadavres. Il n'en est pas de même des produits de l'industrie humaine qui, dans leur ensemble, par leurs caractères, permettent de les situer chronologiquement. C'est ce que nous étudierons dans un chapitre suivant.
(1) Origine de l'homme dans les environs de Toul (comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1864, 65, 66, 67).
(2) Cette opinion déjà émise par le comte de J. Beaupré, est peut-être un peu absolue ; car il existe bien un silex local, mais les néolithiques ne devaient guère l'utiliser en raison de sa qualité médiocre. C'est le silex de l'étage géologique du Bajocien.
(3) G. Gardet. Les systèmes de terrasses de la trouée Pont-Saint-Vincent-Toul-Foug-Commercy (Bulletin de la Société des Sciences de Nancy (1928).
(4) Mémoire sur des ossements humains trouvés dans une caverne des environs de Toul. (Mémoire de l'Académie Stanislas, 1864)